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Joe Biden a reconnu le génocide arménien, Israël à la traîne
Une affiche à Jérusalem.
NurPhoto via AFP

Joe Biden a reconnu le génocide arménien, Israël à la traîne

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Le 24 avril, Joe Biden a officiellement reconnu le génocide arménien, suscitant la colère de la Turquie. Pendant ce temps, Israël s'y refuse pour ne pas froisser un allié historique.

« J’attends la reconnaissance du génocide par les États-Unis. C’est selon moi leur devoir, car le premier témoin de poids et indiscutable du génocide fut Henri Morgenthau, l’ambassadeur américain à Constantinople jusqu’en 1917. Si Washington reconnaît, je pense que la Turquie suivra, car elle ne peut continuer à le nier sans la complaisance des États-Unis », nous confiait, en 2015, Patrick Devedjian, qui fut le principal avocat de la reconnaissance, par la France en 2001, du génocide des Arméniens de 1915.

Si une trentaine de pays l'avaient alors reconnu, parmi lesquels la France, la Russie, et la plupart des pays ayant accueilli sur leur sol une communauté arménienne, manquaient à l’appel les États-Unis, qui comptent en Californie une diaspora arménienne de plus d’un million d’âmes, et Israël, dont l’un des quartiers historiques de Jérusalem est arménien. Ces deux pays, n’avaient pas sauté le pas, soucieux de ne pas fâcher leur allié turc, farouchement négationniste. Nombreux étaient ceux à attendre qu’une reconnaissance pleine et entière ait lieu à l’occasion de la date symbolique du centenaire. Attente déçue.

L'opposition de Trump

L’année suivante, en 2016, ce fut le Bundestag allemand qui, à l’initiative du président des Verts d’origine turque Cem Özdemir, de la CDU et du SPD, franchissait le pas, reconnaissant en outre « le rôle déplorable du Reich allemand qui, en tant que principal allié militaire de l'Empire ottoman (…) n'a rien entrepris pour arrêter ce crime contre l'humanité ». Ce qui suscita une réaction furieuse du président turc Recep tayyip Erdogan, assortie de menaces : « Si ce texte est adopté et que l'Allemagne tombe dans ce piège, cela pourrait détériorer toutes nos relations avec l'Allemagne où vivent trois millions de Turcs et qui est notre alliée dans l'Otan ». Avant de rappeler son ambassadeur…

En 2019, les deux chambres du Congrès américain en firent de même, aussitôt contrées par Donald Trump, soucieux, comme la majorité des Républicains, de ménager la Turquie. Il aura fallu l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, et le comportement de plus en plus erratique du sultan d’Ankara, pour que ce vœu s’accomplisse.

« C’est notre responsabilité morale en tant qu’État juif »

Reste toujours Israël, où de plus en plus de voix appellent désormais à reconnaître le premier génocide du XXè siècle. « L’échec d’Israël à reconnaître le génocide arménien est indéfendable », titrait ainsi le Jerusalem Post à l’annonce de la déclaration de Joe Biden, le 24 avril, jour commémoratif pour les Arméniens du monde entier. « De nombreux dirigeants israéliens, écrivait le journal, ont publiquement reconnu le génocide arménien, à plusieurs étapes de l’histoire d’Israël. Mais en tant que nation, l’État juif a refusé de le reconnaître, par peur de la réaction de la Turquie, un État qui a historiquement été un allié clé pour la sécurité d’Israël. Aujourd’hui, la relation avec la Turquie a changé à cause de l’hostilité marquée d’Erdogan envers Israël ».

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Yair Lapid, leader du parti Yesh Atid, qui avait introduit une motion en ce sens, en 2019, a pour sa part applaudi l’ « importante déclaration morale de Biden », assurant : « Je continuerai à me battre pour la reconnaissance par Israël du génocide des Arméniens, c’est notre responsabilité morale en tant qu’État juif ».

Pour l’heure, le ministère des affaires étrangères israélien a assuré, dans un communiqué, reconnaître « la souffrance terrible et la tragédie du peuple arménien », sans toutefois prononcer le mot qui fâche Ankara. Avant de conclure : « En ces jours particulièrement, nous et les nations du monde avons la responsabilité d’assurer que de tels évènements ne se produisent plus ». De l’art de la litote…

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne