De nouvelles banderoles funéraires noir et blanc ont fait leur apparition à l’entrée des villages arméniens situés près de la frontière avec l’Azerbaïdjan. A Lichk, dans la région de Martouni, l’une d’elles a été dressée pour honorer la mémoire d’Arthur Markarian, 20 ans. Le jeune homme fait partie des 204 soldats arméniens tués lors des attaques de Bakou, les 13 et 14 septembre, sur le territoire arménien.
Arthur faisait son service militaire depuis un an quand un déluge d’artillerie, de lance-roquettes et de drones s’est abattu en pleine nuit sur son poste avancé, près de la frontière avec l’Azerbaïdjan – et non au Haut-Karabakh, l’enclave séparatiste au cœur de la dernière guerre entre les deux pays à l’automne 2020. Pendant deux jours, plus de trente villes et villages arméniens, dont Djermouk, Goris, Kapan, Sotk et Vardenis, ont été attaqués. Du jamais-vu à cette échelle depuis la fin de la guerre. Trois civils ont également été tués, 7 600 personnes déplacées, et 20 soldats capturés. Erevan a dénoncé une « agression » de Bakou, lequel affirme avoir riposté à des « provocations » et dénombre plus de 70 morts dans ses rangs. Les chefs de la diplomatie des deux pays se sont rencontrés, dimanche 2 octobre à Genève, pour discuter de pourparlers de paix, sans avancée.
Depuis les attaques, la famille d’Arthur et les voisins se réunissent encore chaque jour autour de l’autel dressé dans le salon à la mémoire du jeune soldat, dont le portrait trône au-dessus d’un large drapeau arménien, près du banquet. Le père, Gevidan Markarian, ne décolère pas contre le gouvernement et l’armée. « Il n’y a pas de pouvoir ni d’armée, ici, enrage-t-il. On est tout seuls, encerclés par nos ennemis. » Sur le banc, les femmes opinent en silence.
Sentiment antirusse croissant
Leur sentiment d’abandon s’est encore accru depuis que la Russie, alliée traditionnelle de l’Arménie, a refusé de fournir au pays une aide militaire dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance dominée par Moscou. Accaparée par la guerre en Ukraine, où elle multiplie les échecs militaires, la Russie n’a envoyé qu’une simple mission d’observation. Ce désintérêt nourrit un sentiment antirusse croissant au sein de la population, déjà irritée par l’inaction de Moscou lors de la guerre dans le Haut-Karabakh, même si, techniquement, l’alliance militaire qui lie les deux pays ne concerne pas l’enclave séparatiste. « La Russie est censée être notre alliée et nous protéger, mais sur le terrain on ne voit rien ! Maintenant, on n’attend plus rien d’elle », tranche l’oncle du défunt, Markar Markarian.
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