La totalité des sanctions occidentales adoptées en réponse à la guerre en Ukraine n’est toujours pas connue, leur effet encore difficilement mesurable, que déjà se pose une question : la fameuse résilience russe pourrait-elle être mise à mal ? Aucune panique ne se manifeste dans le pays, mais une fébrilité évidente. Son premier symptôme : les longues files d’attente devant des distributeurs de billets parfois à sec.
Durant le week-end, c’est vers les devises étrangères, gage de sécurité, que se tournaient les Russes ; lundi, de nombreux distributeurs ne donnaient que des sommes limitées, même s’agissant des roubles. En 2014, après de premières sanctions infligées déjà pour la guerre en Ukraine et l’annexion de la Crimée, aucun mouvement de la sorte n’avait été observé. Le choc anticipé pourrait plutôt s’apparenter à celui de 1998, crise financière dont le traumatisme est toujours présent en Russie.
Il est un autre indicateur dont les Russes, quasi instinctivement, savent surveiller les soubresauts. Celui des taux de change du dollar et de l’euro, qui s’affichent en caractères lumineux dans les rues, sur les devantures des bureaux de change. Le chiffre des 100 roubles pour 1 dollar n’avait jamais été dépassé dans l’histoire ; il est monté, lundi 28 février, jusqu’à 109 roubles, et l’euro jusqu’à 127 roubles.
Des prix qui changent plusieurs fois par jour
Dans un pays où 43 % des habitants disent ne pas avoir la moindre épargne, l’effet peut être dévastateur, et ce alors que les prix des produits de première nécessité ont déjà fortement augmenté depuis un an et que le niveau de vie a reculé en continu depuis 2013. Les prix des biens électroniques ou des voitures se sont déjà envolés. Dès le 25 février, les Russes s’étaient rués dans les magasins d’électronique en anticipant la crise. Ensuite, on a vu des vendeurs changer les prix plusieurs fois par jour.
L’inquiétude est encore contenue, devant un distributeur de la banque Raiffeisen dans le centre de Moscou. La banque ne fait pas partie de celles qui devraient être visées par l’exclusion du système de communications Swift, mais comme le dit Pavel P., « on a connu trop de chocs pour ne pas être un peu prudents ». La machine, elle, refuse de donner plus que 10 000 roubles (environ 85 euros). « On sait que les Occidentaux nous imposent des sanctions pour tout et n’importe quoi », précise cet homme d’une cinquantaine d’années.
C’est précisément la ligne de la télévision, qui s’est massivement emparée du sujet sanctions pour dénoncer une nouvelle attaque de l’Occident. « Ce ne sont pas les oligarques qui sont visés mais le peuple, dénonçait dimanche soir le présentateur vedette Vladimir Soloviev. Uniquement pour ce que nous sommes, pour nos noms russes. » Le lien avec la guerre en Ukraine, rendue quasiment invisible dans les médias, n’est pas fait.
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