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Portrait

Génération post soviétique: Davit Sargsyan, la guerre au Haut-Karabakh en héritage

Le 26 décembre 1991, l’URSS était officiellement dissoute, point final de la dislocation des régimes communistes en Europe de l’Est et dans une partie de l’Asie centrale. À l’occasion de ce trentième anniversaire, RFI vous propose une série de portraits de jeunes ayant grandi dans l’espace post-soviétique. Quelles sont leurs aspirations ? Que gardent-ils de l’héritage de cette période ? Rencontre avec Davit Sargsyan, un Arménien du Haut-Karabakh.

Davit Sargsyan .
Davit Sargsyan . © Paty Chouchane Tanielyan
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De notre correspondante à Moscou,

Vingt-quatre ans, une guerre à son actif, une autre en mémoire vive. Celle de la génération de son père à l’éclatement de l’URSS ; celle qu’il a menée avec ses deux frères aînés, l’un comme artilleur, les deux autres comme simples soldats, dès le premier jour du conflit l’automne dernier. Celle d’il y a 30 ans, gagnée au bout de six ans d’un conflit parmi les plus meurtriers de ceux qui ont accompagné la décomposition de l’Union soviétique ; celle d’hier, perdue, avec le retour des territoires anciennement conquis à l’Azerbaïdjan.

Tout le monde dans sa famille est revenu vivant et entier, c’est rare, ses frères ont repris leur métier de programmeurs informatiques, mais « les larmes de la guerre n’ont pas séché », dit cet étudiant désormais en quête d’un travail à Erevan. C’est sa tante qui aujourd’hui encore héberge toute la famille dans la capitale arménienne.

Des souvenirs abandonnés

Car la ville où ce jeune homme brun à la silhouette fine est né en 1997, où toute sa famille vivait depuis 1992, Chouchi pour les Arméniens, Choucha pour les Azerbaïdjanais, est désormais sous contrôle de Bakou, avec les souvenirs familiaux. Ceux des années 90, « des temps très durs », dit Davit Sargsyan. « Après la guerre, il y avait beaucoup de dégâts, les bâtiments étaient en ruine, il y avait même des gens qui vivaient dans la rue, des enfants qui n’avaient pas de vêtements pour aller à l'école ».

Les souvenirs d’une vie un peu plus confortable ensuite, que l’ancien combattant à la recherche d’une revanche souhaite pouvoir reprendre. « Nous avons toujours en tête que nous devons nous renforcer militairement. Nous devons y passer toute notre énergie : je veux qu’on devienne assez forts pour reprendre nos terres, car la guerre est la seule voie. Nous connaissons très bien notre ennemi, nous savons qu’avec lui il n’y a pas de paix possible », affirme ce fils d'enseignants, lui de mathématiques, elle d’arménien, et tous deux bientôt à la retraite.

Davit Sargsyan retourne une fois par mois dans ce Haut-Karabakh désormais rétréci. Principalement à Stepanakert, la capitale de ce territoire autoproclamé indépendant où il a fait ses études et où il espère arriver à être relogé, et à Martouni où ses parents se sont mariés à l’église. Un territoire encore très marqué par la défaite suite à la guerre de 44 jours. « Chaque famille a perdu quelqu’un et depuis, il n’y a plus de sourire sur le visage des gens, il n’y a plus de joie. Là-bas, on ne fête plus le Nouvel An ni les anniversaires », raconte-t-il.

Amertume

Une vie plombée par une défaite « qu’il faudra encore beaucoup de temps pour accepter », avec les soldats russes de la force dite « pacificatrice » pour seul rempart. « Nous leur sommes reconnaissants, car ce sont eux qui assurent notre sécurité », dit le jeune homme. « Mais il est possible que dans le futur nous ne les voyions plus comme cela. Je ne dis pas que c’est mal, mais pour nous ce n’est pas naturel de vivre avec les Russes. Aujourd’hui je les vois comme des protecteurs, mais dans plus de cinq ans [la durée du mandat de la force pacificatrice russe, ndlr], je les verrai peut-être comme des occupants ».

Comme tout le monde dans le pays, Davit Sargsyan a appris le russe à l’école, mais ça ne l’a pas pour autant rapproché de la Russie ni des pays de l’ex-Union soviétique. « Ces pays, accuse-t-il, ont fermé les yeux pendant la guerre et aucun d’entre eux n’a levé le petit doigt pour nous aider. C’est la France qui nous a le plus soutenus, son président est le seul à avoir demandé aux Azéris de nous rendre nos prisonniers de guerre. À l’inverse, c’est à cause de l’URSS que cette guerre a éclaté, c’est ce pays qui à l’époque de Lénine, a donné l’Artsakh [le nom que les Arméniens donnent au Haut-Karabakh, ndlr] aux Azéris. Rien que pour cela, je suis très heureux pour cela que l’URSS n’existe plus. »

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