Le patrimoine arménien du Haut-Karabagh en danger, avec Haroutioun Khatchadourian

Le monastère de Dadivank (Haut-karabagh) - D'Arahchjan
Le monastère de Dadivank (Haut-karabagh) - D'Arahchjan
Le monastère de Dadivank (Haut-karabagh) - D'Arahchjan
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Depuis la guerre des 43 jours lancée l’année dernière par l’Azerbaïdjan, le patrimoine arménien du Haut-Karabagh a été mis gravement en danger, notamment dans les zones passées sous contrôle azerbaïdjanais. Une situation qui ne rencontre dans la communauté internationale qu'une faible mobilisation.

Haroutioun Khatchadourian est rédacteur d’un inventaire pour l’UNESCO sur le Patrimoine immobilier du Haut karabagh. Il a suivi l’enseignement sur les arts arméniens à l’INALCO de Jean-Michel Thierry, et a effectué plusieurs missions en Arménie, en Turquie et en Iran dans le but de mener un travail archéologique sur les khatchkars, les pierres à croix arméniennes.

Khatchkar dressé sur piédestal, xiiie siècle, gavit, monastère de Sanahin
Khatchkar dressé sur piédestal, xiiie siècle, gavit, monastère de Sanahin
- Beko

Ses recherches concernent donc les khatchkars (typologie, ornements, histoire…) mais aussi plus généralement le patrimoine arménien, dans son aspect politique de gestion et non d'histoire de l’art.

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"Les sites du Haut Karabagh sont clairement menacés. Une église arménienne sans inscriptions arméniennes, sans croix ni iconographie (sculptée ou murale) distinctement arméniennes, et même sans décorations ressemblant aux stèles en pierre arméniennes (les khachkar, croix en pierre accompagnées de desseins décoratifs) conforterait la mythologie azerbaidjanaise concernant l’histoire du Caucase du sud. Ce révisionnisme historique se base sur l’idée que tous les sites chrétiens du Karabagh seraient non pas arméniens, mais albaniens, en référence à l’antique royaume chrétien d’Albanie qui occupait les plaines à l’est du Karabagh. Le royaume fut aboli par les Perses en 510 environs, tandis que sa langue, d’origine caucasique, s’est évanouie vers le neuvième siècle. Depuis lors, les chrétiens restant sur le territoire de l’ancien royaume parlaient pour la plupart en arménien. Cependant, les Azbaidjanais nient tout rapport existant entre l’Albanie et l’Arménie. Cette thèse permet à Bakou de délégitimer toute présence culturelle arménienne sur son territoire ; bien évidemment, il est plus aisé de manipuler le passé d’une civilisation chrétienne morte (albanaise) que de reconnaître des liens profonds existant entre leur propre pays et une chrétienté vivante. Lorsque le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev et d’autres dirigeants azerbaidjanais comme le vice-ministre de la Culture Anar Karimov déclarent aujourd’hui leur intention de "conserver les monuments historiques chrétiens" sur les territoires conquis, sans jamais reconnaître leur identité arménienne, ils projettent, en réalité, un vaste programme de génocide culturel "(1). (in  L’art des khatchkars*, les pierres à croix arméniennes d’Ispahan et de Jérusalem*, édition Geuthner, 2014, Paris).

"Pour ne pas attirer l’attention de la communauté internationale, ce programme d’effacement des traces arméniennes risque d’être réalisé de façon graduelle. Il affectera tout d’abord des églises et des cimetières moins connus. Des monuments qui racontent l’histoire d’un monde qui s’étendait jadis de la chaîne du Grand Caucase jusqu’à la Méditerranée, et dont les Arméniens (ainsi que d’autres Chrétiens parlant l’arménien et célébrant leur culte en arménien, comme les Albaniens du Caucase notamment) étaient des acteurs éminents (en tant qu’artistes, historiens, architectes, écrivains) encourent donc le danger d’être anéantis pour conforter l’historiographie mythologique de l’Azerbaïdjan dont le nationalisme s’est construit en grande partie sur la haine des Arméniens.

"Depuis des dizaines d’années, on a observé que l’Azerbaïdjan efface méthodiquement toute trace de la mémoire arménienne de la région. Chaque fois que, par exemple, une inscription est identifiée comme arménienne, elle est effacée sur le champ. C’est ainsi qu’au cours des dernières trois décennies, d’innombrables églises, inscriptions et croix sculptées sur le territoire de l’Azerbaïdjan ont disparu" (2). (extrait de "Karabagh, le patrimoine est en danger" sur Afrique Asie.fr, 2020).

Fragment de fresque du XIIIe dans le Monastère de Davidank
Fragment de fresque du XIIIe dans le Monastère de Davidank
- Khachen

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